- Jacques Julliard, journaliste au "Nouvel Observateur", magazine, dirige
par Jean Daniel, lui-meme present au meeting,
mais qui n'a pas pris la parole ;
- Omar Belhouchet, directeur du quotidien algerien "El Watan" ;
- Robert Badinter, membre du PS francais, ex-Garde des sceaux ; ex-president
du Crif (Conseil representatif des
institutions juives de France) ;
- Jack Lang, membre du PS, ex-ministre de la Culture, depute ; actuel
president de la Commission des Affaires
etrangeres de l'Assemblee nationale ;
- Alain Madelin, president de Democratie liberale, proche de Valery
Giscard d'Estaing, qui a fait ses classes au sein de
l'extreme droite ; se revendique du "liberalisme a la francaise" ;
- Brice Lallonde, qui dirige "Generation ecologie", une petite formation
soi-disant "ecologiste" taillee sur mesure pour
ses ambitions opportunistes ;
- Francis Wurtz, du PCF ;
- Bernard Henri Levy, que l'on ne presente plus ; se plait a dire qu'il
est ne a Beni-Saf depuis qu'il est tres
officiellement invite en Algerie ;
- Andre Glucksmann, grand philosophe devant l'eternel ;
- Khalida Messaoudi, qu'on ne presente ;
- Zazi Sadou, dirige le RAFD, membre du parti neo-stalinien "Et-tahhadi"
de Hachemi Cherif ;
- Soheib Bencheikh, Grand mufti de Marseille ;
- Francois Bayrou, ex-ministre de l'Education, president de Force democrate
(droite) ;
- Jean-Francois Kahn, journaliste, directeur du magazine "Marianne"
- Elisabeth Schemla, journaliste, qui a fait le livre d'interview de
Khalida Mesaoudi ;
- Idir, chanteur kabyle ;
- Pascal Bruckner, ecrivain.
Les soutiens de :
Jean-Francois Deniau (droite) ; Robert Hue (PCF) ; Viannet (CGT) ; Notta
(CFDT) ; Jean-Paul Delbois (President des
maires de France) ; Romain Goupil, cineaste ; Alain Finkielkraut, prof
de philo en lycee, anime une emission le samedi
matin a France Culture ; surnomme Finkielcroate, a cause de son parti
pris en faveur des Croates dans la guerre
yougouslave.
Le clou de la soiree fut le temoignage de deux jeunes femmes venues
d'Algerie, presentees comme d'ex-captives, l'une
du groupe d'Antar Zouabri, et l'autre du groupe de l'emir Abdelmalek.
Elles se seraient echappees dans des conditions
tres penibles et ont raconte les souffrances puis les assassinats qu'ont
subi les captives de ces groupes islamistes. Elles
ont insiste pour dire et repeter que les crimes ne sont le fait que
des islamistes et terroristes du GIA.
Pour l'essentiel les discours ont porte sur deux choses :
1 - on sait qui tue : ce sont les islamistes ; l'armee ne tue pas ;
quelques-uns de ses elements ont pu commettre des
bavures, c'est deplorable, mais il ne faut pas confondre les assassins
et ceux qui les combattent ;
2 - le gouvernement algerien doit proteger les populations et pour
certains, par exemple Khalida Messaoudi, il doit
demissionner s'il est incapable d'assumer cette tache.
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Les interventions resumees.
Omar Belhouchet
Le contexte algerien peut paraitre complexe, mais nous pouvons tout
de meme en temoigner. Les islamistes ont une
strategie basee sur le massacre. Mais l'absence de transparence du
pouvoir, ses entraves au travail de la presse
empechent d'informer correctement. Cela ne justifie pas la question
: ³qui tue qui ?". Nous savons qui tue, ce sont les
islamistes, ils le disent. Le rejet du pouvoir ne doit pas occulter
les crimes islamistes.
Robert Badinter
Les assassinats en Algerie sont des crimes contre l'humanite. Que le
gouvernement algerien ouvre ses portes non a une
pretendue commission internationale d'enquete mais aux representants
des medias, pour la verite. La Cour criminelle
internationale serait un cadre pour juger les assassins (islamistes).
Jack Lang
Que pouvons-nous faire ? Il ne faut pas renvoyer dos a dos les egorgeurs
et les autorites algeriennes. Des officines ont
pignon sur rue pour soutenir les islamistes en Europe, comment cela
est-il possible ? Nous savons que les bases du droit
d'un Etat reposent sur deux principes : le droit a la souverainet nationale
; mais aussi le droit des habitants a etre
proteges. Il faut changer la politique francaise a l'egard des visas
pour renouer les liens entre Francais et Algeriens. Ne
pas confondre islam et islamistes. D'ailleurs islamistes ne convient
pas pas pour designer les assassins. L'islam est une
religion d'amour et de paix
Jack Julliard
(parle au nom de Jean Daniel, son patron au "Nouvel Observateur", qui
etait pourtant present) :
Il faut etre au moins aussi determine que les assassins qui assassinent
a les denoncer. Les assassins sont les islamistes.
C'est une aide qu'on leur apporte en mettant un rideau de fumee sur
leur crime. Toute repression entraine des injustices,
mais il ne faut pas confondre les assassins et la repression.
Alain Madelin
(Il sera siffle par la salle, qui evoque les lois Pasqua ; sifflements
contre lui plus tard quand il evoquera en passant le nom
de Giscard).
Ce qui se passe en Algerie nous concerne tous. Il ne faut pas seulement
denoncer mais agir. Il y a un ennemi principal :
celui qui tue au nom de l'islam. Il ne faut pas mettre sur le meme
plan les assassins et ceux qui les combattent. Il faut
passer par le gouvernement algerien pour aider l'Algerie. Les autorites
internationales doivent empecher que l'Europe
serve de base arriere au terrorisme. Les terroristes doivent etre poursuivis
pour crimes contre l'humanite meme s'il faut
pour cela revoir des points de notre droit.
Brice Lallonde
(Il vient au secours d'Alain Madelin, qui est hue et siffle en denoncant
le sectarisme)
Francis Wurtz
Il y a des amis sinceres du peuple algerien en France. Il faut explorer
3 pistes :
- contribuer a clarifier le debat comme ce soir. Poser la question
"qui tue qui ?" est un affront aux victimes. C'est une
complaisance avec les assassins. Personne n'exclut que des militaires
aient commis des bavures mais cela ne doit pas
empecher de condamner les assassins, les islamistes.
- il faut repondre a l'attente des Algeriens par la multiplication
de liens de solidarite ;
- il faut annuler au moins une partie de la dette algerienne.
Bernard-Henri Levy
(Il fait un discours en criant jusqu'a avoir la gorge enrouee)
Il faut dire a nos gouvernants europeens : assez de renvoi dos a dos
des terroristes et de ceux qui les combattent ; assez
de dire : "on ne negocie pas avec les terroristes en Europe" et "qu'il
faut dialoguer avec eux a Alger" ; on ne peut pas
innocenter le terrorisme pour cause de chomage, il y a du chomage partout,
mais cela ne mene pas partout a ce qui se
passe en Algerie. Il ne faut pas tolerer qu'en Europe on ait des bases
du terrorisme, car nous tirons dans le dos des
democrates algeriens. Le temps est venu de l'ingerence des regards
et des consciences. Aux plus hautes autorites
francaises nous disons : assez de realpolitik. Votre place est a Alger.
La question "Qui tue qui ?" est obscene mais l'Etat
algerien est comptable des tueries. Pourquoi 3 massacres a Larbaa,
quand on pouvait les prevoir ? Pourquoi a BentalhaŠ
Aux islamistes, a Alger, a LondresŠ nous disons que les fatwas sont
sacrileges. Ils salissent la foi de l'islam.
Andre Glucksmann
La presse algerienne est courageuse. Elle parle des atrocites. Le GIA
est dissuade par la resistance des gens dans
l'Ouarsenis, que j'ai visite. Pour Antar Zouabri, il faut un tribunal
international. Il faut saluer le courage de Khalida
Messaoudi. Elle se bat dans une situation difficile et n'a meme pas
de voiture. Elle prend le bus pour aller faire une
campagne electorale ou mener une action politique quelque part.
Khalida Messaoudi
(Parle doucement, apres que les precedents orateurs aient parle fort,
pour mieux attirer l'attention de la salle, et ca
marche !)
C'est une chance de se savoir condamne en Algerie, car on sait alors
qu'il faut prendre des precautions, ce qui n'a pas
ete le cas de ceux qui sont morts dans des attentats. On entend que
la seule solution, c'est la réhabibilitation de l'ex-FIS.
Le pouvoir algerien est pourri, d'accord. Mais certains pensent pouvoir
ultiliser la capacite de nuisance du FIS pour
exercer une pression sur le pouvoir. Mais les totalitaires veulent
tout, ils ne se contenteront pas de ce qui leur sera donne.
Je remercie Jean Daniel, Bernard-Henri Levy, Andre Glucksmann, Mustapha
Hamouche (ou Hamrouche, je n'ai pas
bien entendu, et je ne le connais pas, M.H.). On dit : "Qui tue qui
?", mais le GIA revendique ses crimes. (Suit une
critique de Hamas, En-Nahda et rappel de leur opposition a une petition
de 1 million de signatures en faveur des droits
des femmes). Qui continue a semer la confusion sur les criminels doit
assumer devant l'histoire la responsabilite d'etre
complice des assassins. Le ministre de l'interieur conseille aux Algeriens
de se defendre, mais s'il ne peut assumer sa
responsabilite, qu'il demissionne. Il y a aussi une guerre mediatique
contre tout ce qui ne rentre pas dans leur schema (les
medias). Aux medias europeens : ne soyez pas le relai de la haine contre
nous. Si vous n'etes pas d'accord avec les
democrates algeriens, combattez-les politiquement mais pas par le denigrement.
Témoignages de deux femmes presentees comme detenus par deux groupes du GIA :
1er temoignage : Zoubida.
en arabe, traduction simultanee par Khalida Messaoudi (quelques legeres
erreurs de traduction mais sans consequence
sur la comprehension de l'ensemble du recit).
J'ai 23 ans, j'habite Bouinam, pres de Blida. Mon frere etait avec le
GIA jusqu'au jour (en ete 97) ou ils sont venus
chercher une fille pour en disposer. Mon frere a ete choque. Il a decide
de s'evader avec la fille et de la remettre a
l'armee. En s'evadant, il fut attrappe, decapite.
Mon village fut attaque et les les gens assassines dont mes parents.
7 jeunes filles vont etre enleves avec moi. Tour fut
brule. Les jeunes filles furent obligees de porter les victuailles.
J'ai porte un sac de 25 kg pendant 3 h dans la montagne.
Nous avons ete emmenees aupres d'Antar Zouabri. Une partie des filles
ont ete emmenees aussi aupres d'Antar Zouabri.
Une autre partie a ete emmenee dans d'autres casemates, violees puis
assassinees. Des femmes etaient presentes au
moment de notre arrivee : les nouvelles remplacent les anciennes qui
sont assassinees.
Le premier a me violer fut Antar Zouabri. 37 autres vont faire de meme.
Je pensais naivement que l'islam ne permettait
pas cela, mais a mon etonnnement, nous fumes frappees, attachees, exploitees.
Chaque nuit, ils se relayaient, un par nuit,
pour dormir avec moi. La nuit, c'est ainsi, le jour nous travaillons
tres dur et nous subissions des sevices. Les filles
restaient en general 3 mois au camp puis elles etaient tuees, ecartelees
et decoupees au sabre apres avoir ete attachees
avec des fils de fer quand ils se rendaient compte qu'elles etaient
enceintes.
Parmi les islamistes, il y en a qui avaient leurs femmes au camp. Ils
disaient qu'elles etaient les hourrates (les affranchies,
les femmes libres) et nous les esclaves. Nous n'avions pas le droit
d'etre fatiguees. Zouabri a ses femmes avec lui (au
nombre de 6). Nous travaillions pour eux et leurs femmes. Ils n'ont
ni foi ni loi. Je suis restee detenue durant 2 mois et
1/2. Apres cela, ils ont commence a me battre, j'en ai conclu qu'ils
allaient m'assassiner, d'ailleurs ils me l'ont dit la veille
de mon evasion. Ce soir-la, ils avaient execute une fille et l'avaient
remplace par une nouvelle. La nuit, je suis allee
chercher de l'eau sur ordre, et pendant qu'ils etaient occupes a supplicier
une fille, je suis partie en direction de la
montagne pour rejoindre le sommet, non pour descendre, ce qui aurait
ete la direction dans laquelle ils allaient me
chercher. Parvenu en haut, je les entendais me chercher en bas : ils
etaient 60 a fouiller et a crier a ma recherche. J'ai vu
au loin 5 casernes (groupements, traduit Messaoudi), mais il m'aurait
fallu au moins 5 jours de marche pour les atteindre.
J'ai passe la nuit a courir durant 5 h puis j'ai fini par trouver une
piste qui mene a l'armee. J'ai dit que je me suis evadee du
camp des terroristes. J'ai montre aux militaires le lieu ou se trouvait
Zouabri et j'etais dans un etat de salete incroyable
puisque nous n'etions pas autorisees a nous laver. Ce n'est pas l'armee
mais les terroristes de Zouabri qui tuent. Il donnait
des ordres pour tuer sans pitie, meme les bebes (elle insistera plusieurs
fois sur ce point).
2e temoignage : Yamina
J'ai 40 ans, je suis bergere. Dans les paturages, ils sont arrrives,
m'ont arrache mon hidjab puis maitrise. J'ai dit que j'ai
des enfants, je suis mere de famille, ils m'attendent, ils sont tres
jeunes. Ils ont repondu qu'ils allaient m'emmener ainsi que
mes brebis, que je devrais preparer pour eux pour les manger. Ils etaient
environ 15 autour ; 3 se sont acharnes sur moi.
Leur emir, Abdelmalek, les a d'abord sermones d'avoir ramene une vieille
mais il me violera ainsi que tous les autres, au
cours de la nuit. Durant 3 jours, j'ai ete viole par 50 terroristes.
Ce n'est pas cela l'islam, il ne porte pas atteinte aux
faibles. Chaque jour fut un viol. D'autres sont venus des casemates
environnantes. J'ai ete retenue durant 3 semaines. Le
jour de la fuite, je devais trier 3 sacs de semoul,e de nuit. Je me
suis sauvee vers 1 h du matin. J'ai marche durant 8 h. J'ai
bu de l'eau de pluie de soif. Les premieres gens qui m'ont rencontree
ont pense que j'etais une folle, tellement j'etais sale.
Je suis allee a la gendarmerie qui m'a soignee, je me suis lavee. Je
vis dans une famille, mes enfants sont disperses. Je n'ai
avec eux aucun contact.
Zoubida Elle reprend la parole pour redire :
Ce sont les terroristes qui font cela. Comment vais-je continuer a
vivre alors que tous les miens sont perdus. Meme mes
freres et cousins ont ete assassines, alors qu'ils etaient avec eux,
parce qu'ils refusaient de tuer les femmes et les enfants.
Il faut s'unir contre eux.
Zazi Sadou
(Elle montre un document qu'elle presente comme une fetwa ecrite retrouvee
a Ouled-Allel apres une operation de
l'armee contre des terroristes)
Elle decrit quelques-uns des 11 articles de la fetwa. L'un des articles,
dit-elle, specifie, a propos des femmes captives,
que c'est l'emir qui doit les offrir aux autres. Un autre dit aux membres
de ces groupes : si vous etes pere et fils, ne prenez
pas la meme filleŠ
(Sadou fustige l'emission de Paul Amar sur A2 ou "certains ont defendu
une solution favorable aux islamistes"). Si une
commission d'enquete internationale doit venir, elle devra passer par
Berlin, enqueter sur Rabah Kebir, en Suisse, a
Paris, a Londres, en Italie, enqueter sur Djamel Lounici, aux USA,
enqueter sur Haddam, qui de sa prison de Virginie
sevit sur Internet pour soutenir les theses islamistes. En Algerie,
nous avons une crise de l'Etat et le choix est entre Etat
republicain ou disparaitre.
Soheib Bencheikh
(Essaye difficilement, sous les sifflets et les cris, de donner une
explication theologique des actes du GIA. Tente de parler
d'un islam devoye, sans succes).
Andre Glucksmann vient a son secours en vain.
Francois Bayrou
Soutien aux democrates algeriens. Ce n'est pas l'islam qui est l'ennemi
mais l'islamisme politique. Je ne confonds pas les
assassins et ceux qui les empechent d'assassiner meme si parfois ils
echouent. Il faut choisir le camp des democrates.
C'est pratiquement la fin, interviennent Elisabeth Schemla, Idir et
un autre, mais je suis deja sorti, je ne puis vous donner
le reste, mais vous avez la l'essentiel des interventions.
Mustapha HADJARAB, Paris, le 22 janvier 1998
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Expéditeur :
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mhadj@umac.pressimage.fr (Mustapha HADJARAB)