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DEVOIR ET VERITES
El-Watan 15 Mai 1996
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KHALED NEZZAR, GENERAL-MAJOR EN RETRAITE, ANCIEN MINISTRE DE LA
DEFENSE NATIONALE LANCE UN PAVE DANS LA MARE.
 

Par, OMAR BELHOUCHET

Dans le texte qu'il a remis a la redaction d'EL Watan et que nous
publions integralement en pages 2 et 3, il propose un temoignage emaille de
lectures et d'analyses d'evenements les plus marquants de la vie politique
depuis Octobre 1988.

Cette sortie de l'ancien ministre de la Defense, est une
premiere. Elle ne manquera pas d'etre commentee par l'ensemble des acteurs
politiques mais aussi par tous ceux qui s'interessent de l'etranger, de pres
ou de loin, a l'evolution de la situation dans notre pays.

Pourquoi un tel temoignage et surtout pourquoi avoir tant attendu ?
Khaled Nezzar, nous dit-il, a agi par devoir. Militaire de carriere, il a
gravi tous les echelons de la hierarchie de l'ANP jusqu'a la fonction supreme
au sein de l'institution. Il etait durant toutes ces dernieres annees, un
acteur de premier plan, au centre des evenements. De sa propre initiative,
cessant toute activite politique et militaire depuis deux ans - fait rare dans
les moeurs du serail algerien -, il disseque aujourd'hui la tragedie qui
bouleverse l'Algerie, en repondant point par point a l'ensemble des critiques
qui ont ete lancees ou formulees contre l'Armee et son action.

"Le 5 Octobre ne fut ni, un evenement spontane ni une recherche de
liberte et de democratie". Il revele, comme l'ont precedemment ecrit certains
analystes n'appartenant pas aux spheres du pouvoir, "qu'il ne s'agissait que
de contestations publiques fomentees en prevision du congres du FLN". Mais il
n'en dit pas plus. Quelles sont les forces au sein du pouvoir qui sont
derriere cette revolte ? Et quel etait le but recherche ? Khaled Nezzar s'en
tient a ce constat combien troublant ; peut etre que d'autres revelations
permettront a l'opinion publique algerienne d'en savoir plus et surtout de
connaitre les faces cachees de la politique en Algerie.

Il n'evoque pas non plus l'action brutale de l'Armee pour tenter de
"retablir l'ordre et stopper l'anarchie".

Le temoignage de Khaled Nezzar a propos du depart precipite et
controverse du president Chadli est interessant. Il devoile certains faits et
aspects totalement ignores par la population. Il y a eu quatre rencontres
entre le ministre de la Defense et Chadli .Il ne voyait pas d'autres issues
que celle de confier la situation a l'Armee en recommandant d'eviter toute
"chaouchara" (grabuge). C'est un "non coup d'etat", ecrira-t-il, prenant soin
de pas ternir l'image de l'ancien President. L'ancien ministre de la Defense
passe en revue les evenements et s'attarde sur Mohamed Boudiaf, les
circonstances de son retour, l'adhesion qu'il suscita rapidement dans les
milieux populaires et de la jeunesse.

Il a releve chez ce grand homme "l'etonnante capacite de travail et
(le) sens moral de la politique, se confondant chez lui avec la morale de tous
les jours". Khaled Nezzar a apparemment choisi de temoigner sur certains
aspects de la vie politique qui lui tiennent particulierement a coeur. Mais
c'est un temoignage qui demeure tout de meme edifiant sur des questions
combien controversees.

0. B.
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Devoir et verites

El-Watan 15 Mai 1996

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M'inspirant de l'obligation de reserve, je m'etais jusque-la abstenu
de traiter publiquement des evenements majeurs connus par notre pays durant la
tourmente dont l'issue se rapproche aujourd'hui favorablement pour l'Etat
national, au grand dam des "experts" et autres "censeurs' qui preferent la
dissertation a la vision des realites implacables.

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Par KHALED NEZZAR
 

Maintenant que l'embellie se dessine et que se precisent des enjeux
electoraux majeurs, certaine, leaders et agents d'opinion, plus par souci
d'audience que par devoir d'objectivite, traitent de ces evenements d'une
maniere superficielle, a travers des publications ou l'anecdote fallacieuse et
le "oui-dire" anonyme tiennent une place preponderante.

Afin que de pareils sujets n'aient plus a donner deliberement lieu a
des commentaires errones, faute de donnees "sourcees", je me resous au devoir
d'apporter le temoignage d'un acteur anime par des mobiles de conscience,
contribuant ainsi a la levee d'equivoques ou d'inexactitudes trompeuses.

Mon temoignage portera donc sur les faits dominants de cette phase
critique et charniere dont Octobre 1988 s'est revele etre un premier premice.

La crise fut amplifiee et aggravee par plusieurs facteurs.

Si la part de l'imprevoyance des autorites, dont je faisais partie
alors, devant une situation inedite ne peut etre occultee, celle de l'action
nuisible et vengeresse de certains responsables en rupture ou en marge du
pouvoir n'en est pas la moindre, loin s'en faut.

Aux yeux de ces derniers, les responsables en charge de l'Etat ne
pouvaient etre assimilables qu'a un pouvoir oligarchique des lors qu'eux-memes
n'y sont pas ou n'y ont plus leur place.

Oublieux du passe, les voici accusant le 'pouvoir de fait' de ce dont
ils ont ete outrageusement combles.

Ne reculant ni devant les reniements les plus inattendus ni devant les
alliances les plus suspectes, les revoila, ici et ailleurs, artisans de
complicites et connivences contre-nature au service d'"officines et foyers" de
tout crin, en quete d'une vaine renommee par des pronostics naufrageurs
ciblant l'Algerie et son etat national.

Les denonciations tardives et selectives de maux dont ils ont
eux-memes abuse ne semblent pas avoir trompe grand monde.

L'Histoire jugera.

Les Algeriens et les Algeriennes ont commence a le faire le 16
novembre 1995.

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Le 5 Octobre 1988 et ses consequences

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Contrairement aux idees repandues, le 5 Octobre ne fut ni un evenement
spontane ni une recherche de liberte et de democratie. Malgre l'absence d'une
enquete officielle vainement demandee, nous pouvons affirmer qu'a l'origine,
il ne s'agissait que de contestations publiques fomentees en prevision du
congres du FLN, dans l'espoir de conforter certaines tendances. La
manifestation, echappant a ses artisans, ne manqua pas d'etre chevauchee par
toute une cohorte de forces de toutes obediences.

L'Armee, alors eloignee, a dessein, des grandes agglomerations et
accaparee par ses missions de defense aux frontieres, n'eut d'autre recours
que de deployer, dans la precipitation, des prodiges de prouesse pour retablir
l'ordre et stopper l'anarchie et ce, sur decision du president de la
Republique.

Elle le fit la mort dans l'ame, non sans relever la passivite, et la
desertion pour des motifs inavouables des 'tenors' du champ politique d'alors.

Les espoirs de redressement que chacun nourrissait au lendemain
d'Octobre 1988 furent vite deçus devant la repetition des memes errements.

C'est depuis que se cristallisa, au sein de l'Armee et notamment aux
yeux des autorites et des acteurs du retablissement de l'ordre, l'imperatif
d'un changement fondamental du systeme politique où l'Armee ne serait plus
sujette a l'instrumentalisation de la part du pouvoir.

Conscients que seule l'armee pouvait etre le rempart ultime face aux
perils d'une voie aussi aventureuse, les responsables militaires s'employerent
a sa consolidation et a sa preservation car, a leurs yeux, le salut et la
cohesion nationale ne pouvaient se realiser qu'autour de cette institution.

L'avenir ne manqua pas de le confirmer.

End of part 1 of  3
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